Un jour, je regarde au fond de mon cochon en faïence rose (j’ai vraiment une tirelire comme cela, avec un ruban bleu autour du cou), et je me décide à sauter le pas et à m’acheter MON PREMIER COSTUME DE DANSE ORIENTALE.
En fin d’après-midi, sur le banc de l’amphi, il m’arrive un truc étrange. Je regarde le prof en costume-cravate, qui va et vient avec assez de grâce, le dos pas trop voûté, comme j’ai remarqué que c’est souvent le cas chez les intellectuels masculins. Puis je fixe mon sac de danse à mes pieds. Je visualise mon jupon, de soie, mon cache-cœur et mon écharpe-ceinture. Alors, le challenge que je me suis fixé : devenir une danseuse orientale me tombe dessus de tout son poids. « Mais que vais-je faire si loin de mon monde ? » Pourtant….
….à 18h30, je suis devant le miroir, dans la lumière douce de la belle salle, et j’observe à la dérobée ma silhouette. Cette tenue de danse me rend charmante. Je suis toute contente.
Enroulée dans la serviette, j’ouvre les deux battants de mon armoire. Et je reste un long moment à observer, d’un côté, les vêtements qui pendent mollement aux cintres, de l’autre, les piles bien pliées endormies sur les étagères.
J’ai beau plisser les yeux, je me rends à l’évidence : la garde-robe de l’étudiante de l’an 2000 ne contient pas beaucoup de jupes froufroutantes et soyeuses…Je déterre bien ma jupe J.Crew, ultra-longue, en beau jersey de coton, achetée 3 $ à une vente de charité à New-York. Du confortable, certes, mais pas du sensuel. Et elle a un défaut rédhibitoire : elle serre la taille. Or, c’est la première chose apprise dans les vestiaires : « Ici, tu libères la taille ! ».
Ce n’est pas si facile d’aller vers l’inconnu. Je me demande en quittant le vestiaire ce que la professeure va me demander. Mais, je sais ce que je suis venue chercher dans ce cours : je veux devenir une danseuse orientale.
Je pose le pied sur le parquet flottant de la grande salle lumineuse, et je la parcours du regard. Elle est haute de plafond. Au fond, les grands rideaux mal fermés laissent voir les baies qui donnent sur le toit. J’ai rarement vu une aussi belle salle. Encore aujourd’hui, je considère cela comme le signe que ma rencontre avec la danse orientale était absolument inévitable, placée sous des auspices favorables.
Première surprise dans le vestiaire : tous les âges, toutes les morphologies sont représentés. Sur le banc où je m’installe pour me changer, je suis entourée d’une grande, grande brune et d’une rousse pulpeuse, à la peau laiteuse. L’ambiance est détendue. Je ne surprends aucun regard sur ma silhouette pour évaluer si je corresponds à un modèle imposé. Ca me change un peu comme ambiance, par rapport aux cours de classique et de jazz.