Le Tribal Fusion, un orient au parfum californien

"Chaque danseuse donne une libre interprétation d’elle-même à travers ses ornements."
« Chaque danseuse donne une libre interprétation d’elle-même à travers ses ornements. »

J’ai rencontré Angélique Julia durant le Tour de France de la danse orientale. Elle est le visage de la danse orientale à Bordeaux. Dans son portrait, nous avions abordé sa passion pour un style de danse orientale encore peu connu en France : l’American Tribal Fusion West Coast. C’est donc tout naturellement que je lui ai demandé de nous en dire un peu plus 🙂 ! Et c’est avec grand plaisir que je publie le billet qu’elle a rédigé rien que pour ce blog ! 🙂

Un article chorégraphié par Angélique Julia, avec un coup de pouce de Cécile.

La danse orientale tribale comporte deux styles principaux : la danse tribale ATS et l’Américan Tribal Fusion.

La danse tribale est avant tout une histoire de tribu, de femmes, de diversité. Aussi je ne pourrais pas expliquer ma danse, si je ne racontais pas d’abord comment elle s’est construite, puisant ses origines dans l’ATS, danse d’improvisation très bien décrite par Corine.

Les racines de Jamila

La genèse de la culture tribale s’est faite avec Jamila Salimpour, dans la baie de San Francisco, au coeur des 60’s. Une époque et un lieu, symbole d’expérimentation artistique et culturelle.

Avec sa troupe Groupe Bal Anat, elle développe une nouvelle gestuelle, issue de ses recherches personnelles sur la culture moyen-orientale. Jamila est la première à présenter une vision éclectique de la danse. Elle est représentée sur scène pour la première fois au festival California Renaissance pleasure fair.

À l’époque il n’est pas question de tribal en ces termes, mais ses apparitions se distinguent beaucoup du style American cabaret à la mode. Jamila enseigne cependant les deux avec le même amour.

Elle pratique avec expertise les cymbales de doigts que l’on nomme sagattes en français, de l’arabe sājāt et zills en anglais du turc zil. Ces instruments accompagnent les danseurs et danseuses depuis l’antiquité et ils sont souvent associés avec les Ghawazee, nomades et danseuses de rue en Egypte.

Les danseuses de Jamila sont reconnaissables à leurs tenues chatoyantes, leurs bijoux, leurs tatouages. Elles évoquent au public des cultures présentes ou passées, des tribus réelles ou imaginaires.

Ce trait est toujours vrai pour les tribales d’aujourd’hui.

La force de Masha et de Carolena

Une des élèves de Jamila, Masha Archer, développe dans les années 70 une forme d’improvisation structurée du tribal. Elle affiche l’intention de s’éloigner clairement du style cabaret, des boîtes de nuit et des restaurants où la danse orientale était confinée. Elle a à coeur surtout de présenter une troupe de danseurs dans une forme artistique la plus aboutie possible. Masha fonde, dans cet esprit en 1980, son « San Francisco Classic Dance Troupe ».

En 1987, une de ses élèves, Carolena Nericcio crée « The Fat Chance Bellydance ». Elle opère un certain retour aux sources du Moyen-orient, en etudiant des pièces musicales traditionnelles. Elle développe une improvisation guidée unique : l’ATS.

« Masha est une artiste à qui il est arrivé de danser un petit moment », dit Carolena dans une interview (Crescent moon, 1995).

En effet Masha, passionnée de danse, d’opéra, de politique, est aussi une fantastique créatrice de bijoux, ce qui sert par la suite la cause tribale. Elle transforme l’apparence de toutes les futures danseuses. Les ornements ont une importance capitale dans le tribal, non seulement parce qu’ils rendent la danseuse plus belle, mais aussi par ce qu’ils font référence à des ornements corporels très anciens, comme l’évocation d’une féminité intemporelle.

Si chaque tribu, ethnie, société ancienne ou moderne, possède ses canons propres, arborer les ornements de toutes ces cultures, les mélanger, c’est aussi à mon sens accepter toutes les beautés du monde.

Les débuts de cette culture ont donc été portés par les goûts de la jeunesse californienne pour les tatouages, les modes de vie alternatifs, les festivals et conventions qui fleurissaient partout.

Avec Jill Parker et Rachel Brice, une autre génération prend leur suite pour donner les formes de danse tribale fusion que l’on connaît aujourd’hui.

L’envol de Jill et Rachel

Au fil du temps, des danseuses provenant de tribus ATS créent de plus en plus de chorégraphies, utilisant les postures et les codes de l’ATS, tout en y mêlant les techniques d’autres danses traditionnelles et modernes (hip-hop avec le fameux popping, contemporain, jazz, burlesque, etc…)

Les costumes, toujours aussi riches, trouvent des inspirations nouvelles : l’antique côtoie le contemporain, combinant art nouveau, steampunk, gothique, de l’heroic fantasy, du bio mécanique, etc. Chaque danseuse donne une libre interprétation d’elle-même à travers ses ornements.

Dans les années 90, une élève de Carolena, Jill Parker, est la pionnière de ce style, caractérisé par une gestuelle serpentine, une grande maîtrise de tous les muscles du ventre, des accents très forts et précis empruntés au hip-hop.

Elle explore les possibilités d’autres courants musicaux, comme le rock, ou l’électro.

La liberté musicale est en fait aussi immense que la rigueur exigée dans les isolations du corps !

Ce style American Tribal Fusion, celui que j’ai choisi d’enseigner à Bordeaux, est aujourd’hui connu à travers l’emblématique et fascinante Rachel Brice, et il ne cesse de produire de très beaux artistes à travers le monde !

Rachel est une artiste qui nous fait voyager à travers ses tableaux imaginaires intérieurs, son Inde futuriste aux inspirations felliniennes. « Planet India » comme je l’ai entendue dire… Sans frontières, elle explore aussi bien la fantaisie balkanique, comme cette improvisation sur la musique de Taraf de Haïdoucs, que le tribal burlesque endiablé avec ses copines et collègues.

Toutes les danseuses issues de ce mouvement, Sharon Kihara, Mardi Love, Kami Liddle, Zoé Jakes, pour ne citer qu’elles, mériteraient un article chacune tant leurs fusions sont personnelles  et leurs univers fascinants.

Des nuées de danse en France

"Les festivals nous permettent de nous retrouver de provoquer une belle émulation. "
« Les festivals nous permettent de nous retrouver et de provoquer une belle émulation. « 

Il ne faut pas croire que ses origines West Coast ancre le tribal fusion dans son pays. Bien au contraire, ce style se répand dans le monde entier et bien sûr en France. Au départ nous courions les stages pour nous initier, nous développer. Des femmes comme Julie Saint-Blanquat ont beaucoup fait pour le développement du tribal dans l’Hexagone. Nous avons émergées plus tardivement, mais avec non moins d’enthousiasme et de talent ! Aujourd’hui les occasions ne manquent pas pour admirer les créatures tribales dans leur milieu naturel : la scène et les salles d’entraînement. Les festivals nous permettent de nous retrouver et de provoquer une belle émulation.

Le plus « important », le plus grand, est le Tribal Fest à Sébastopol, États Unis. Plus près de chez nous en Europe, est né son petit frère Tribal Umrah, dont la prochaine édition aura lieu en juillet prochain à Lyon. Le Bellyfusions se déroule en France depuis 2009 et attire de plus en plus de monde.

Beaucoup d’autres événements sont à découvrir, en particulier sur le site du collectif de la danse tribale fusion en France.

Je laisse quelques mots pour mes élèves, qui sont mon présent et notre avenir.

“Parler de mouvement en tribal fusion, ce n’est pas que parler de notre corps, c’est parler de tout ce qu’on peut apporter de personnel à une expression en perpétuelle évolution. Je suis toujours impressionnée par la marque que laisse les parcours des danseuses à leur chorégraphie : le punch de Mell, le ballet de Blandine des Smoky Eyes, la grâce du Raqs Sharki chez Angélique… Je le vois même avec mes “collègues” de cours qui créent leur chorégraphie. Elles sont déjà très en recherche de moyens d’expression variés. La tribu ne fait que s’agrandir !

Cécile

“La danse a toujours fait partie de ma vie, et le tribal m’a ouvert les portes d’une nouvelle passion. C’est une découverte de tous les jours ! Et comme c’est une danse récente, on a une véritable chance de pouvoir parler à celles qui l’ont créée. J’ai eu assez tôt besoin de faire des chorégraphies. On a une très grande liberté, parce que même si c’est très technique, chacune peut apporter sa touche. Ca donne envie de se lancer. La danse m’a permis d’exister, de me réaliser et malgré le trac, je n’ai jamais été aussi heureuse que sur scène.

Sarah

Merci à Sophia de m’avoir ouvert son blog pour parler de cette danse qui m’est chère. 🙂

Tribalement,

Angélique Julia

Compagnie au Satin rouge

Source : 8 elements of bellydance Rachel Brice and Sol Crawford 2014

and « The tribal bible : exploring The phenomenon that is American Tribal Style »2003