Dans la nature, il existe les colorations.
Les couleurs sont des constructions culturelles. Ce sont des abstractions détachées de leurs manifestations matérielles. Elles sont les éléments de systèmes symboliques qui diffèrent selon les civilisations et qui évoluent selon les époques.
Le blanc pourrait être une des premières teintes devenue couleur. Peut-être parce qu’uni au noir, il incarne dans la nature la succession du jour et de la nuit, de la lumière et de l’ombre. De telle sorte que la dualité blanc/noir est observée dans de nombreuses civilisations.
Toutefois, en l’antiquité du temps, plus encore qu’à la clarté du jour, le blanc est associé à l’éclat de la lune. Or, la lune serait l’une des premières divinités des Hommes.
D’abord parce que son brillant au fond de l’ombre est sans pareil, tel un coeur qui bât dans les ténèbres, un guide pour celui que la nuit prive de la vue.
Ensuite, parce que ses formes qui se succèdent la rendent vivante, mais immortelle. Elle croît, atteint la plénitude, décline, meurt, puis renaît.
Enfin, parce que son cycle permet aux Hommes de compter le temps de leur existence pour commencer à lui donner un sens. Ses cycles inaltérables ouvrent l’esprit vers la notion d’infini : « Je ne ferais cela ni par nuit noire, ni par un soir de pleine lune »* c’est à dire jamais, car le temps tout entier est contenu dans ce recommencement immuable.
Le blanc de la lune est alors celui de la vie maintenue, donc de la santé. Cette identification du blanc à la santé et à l’hygiène, en tant qu’harmonie nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme, perdure dans notre civilisation.
Les cultes lunaires s’effacent progressivement au bénéfice des cultes solaires.
Dans le monde chrétien, toute pratique qui pourrait s’apparenter à une adoration de la lune est considérée comme acte de sorcellerie. Et le lundi, le jour de la lune, est considéré comme néfaste.
Si les cultes deviennent solaires, les vêtements des dieux et de ceux et celles qui les servent demeurent blancs. Et ce, en Egypte, en Mésopotamie, en Perse, chez les peuples de la Bible, et même au nord, chez les celtes.
Il semble donc que le lien entre blanc et sacré soit très largement partagé dans la psyché humaine.
Le pelage blanc des animaux voués au sacrifice est l’un des éléments nécessaires de leur perfection. Les vestales officient en blanc à Rome. En Asie et en Egypte, le blanc des célébrants est parfois remplacé par du jaune, couleur de l’or et de la puissance. Mais il s’agit d’une pratique limitée.
Cela étant, l’oeil antique sait qu’il existe blanc et blanc. Les vocabulaires témoignent de cette sensibilité.
Il existe le blanc terne, voire un peu sale. Et puis il y a le blanc éclatant, lumineux et brillant, qui incarne la pureté et l’innocence, la beauté et le bonheur.
Teindre en blanc est un exercice difficile. Il existe peu de pigments dans la nature et moins encore d’adjuvants pour mordancer. Il faut attendre 1774 et la découverte du chlore et de ses propriétés pour que naissent les textiles parfaitement blancs.
En conséquence, laine et lin, deux fibres utilisées durant l’Antiquité, sont laissées brutes quand elles sont qualifiées de blanches.
L’éclat et la densité de la couleur dépendent donc de la qualité de la matière et du savoir faire du tisserand. Souvent, le blanc du lin est supérieur à celui de la laine.
Fibre de prédilection du blanc méditerranéen durant l’Antiquité, le lin est domestiqué au Néolithique (9000-3000 avant J.-C.) en Mésopotamie, dans les plaines de l’Euphrate et du Tigre. De là, sa culture s’étend à l’Egypte puis à l’Europe.
Fibre antique, elle est aussi la fibre du futur. Sa culture est économe en eau car elle ne demande par d’irrigation. Elle nécessite peu ou pas d’intrants (engrais et défoliants). La France (Normandie) est le premier producteur de lin mondial. Malheureusement, en raison de politiques mortifères, la transformation de la matière première se fait souvent à l’étranger. Toutefois, la filière linière, animée par des passionnés visionnaires, rouvre des industries de transformation en France.
*Expression arabe.