Il semble que les hommes aient peint avant de teindre. Peut-être se sont-ils d’abord servi de leurs corps avant d’utiliser les parois des grottes. Car la première fonction de la couleur est d’identifier et d’ordonner les êtres, les fonctions, les choses.
Il est possible que les Hommes aient commencé à teindre au VIe millénaire avant J.C. Les très rares morceaux de tissus retrouvés, qui pourraient dater de ces temps anciens, sont colorés de rouge.
En effet, le rouge est l’un des pigments que l’Homme a maîtrisé le plus tôt. Il a su le trouver, l’extraire, le mélanger à des additifs et à des fixateurs pour peindre et pour teindre.
Les Hommes des civilisations passées voyaient dans les couleurs leur éclat et leur densité. Obtenir l’un et l’autre demandent des savoirs acquis au fil des siècles. Des teintes ternes, ou brillantes, ont longtemps était considérées comme proches, indépendamment de leur couleur.
Le bleu est particulier. Il est peu pratiqué par les grecs et les romains, parce que celui dont ils disposent aisément est celui des peuples norrois, lequel est terne et de faible qualité. Le pigment colorant est issu de la plante appelée guède. L’accroissement des connaissances techniques permettra d’en obtenir de meilleurs résultats des siècles plus tard.
Mais pour les grecs anciens et les romains antiques, le bleu est une couleur vilaine et barbare, voire de deuil. D’ailleurs, comme pour les moyen-orientaux à l’époque des « Milles nuits et une nuit », les yeux bleus sont considérés comme une disgrâce physique, voire un signe néfaste.
Toutefois, les deux civilisations font une exception pour les bleus venus d’orient. C’est que ces derniers n’ont rien en commun avec celui des germains et des celtes.
Egalement d’origine végétale, ils sont issus de l’indigotier. Le pouvoir couvrant de l’agent tinctorial est puissant, à tel point qu’il ne nécessite pas de fixateur. Son éclat est sans pareil, et il teint la soie, le lin et la laine en leur donnant une belle couleur unie et profonde.
Il existe plusieurs variétés d’indigotiers, mais aucune n’est européenne. Si bien que le pigment devient très tôt un produit d’exportation de luxe, réservé aux étoffes haut de gamme. L’indigo arrive à Rome sous forme de galets compacts, d’où la croyance de son origine minérale, qui perdure jusqu’au XVIe siècle.
Dans la joaillerie, saphir, turquoise et lapis-lazuli sont recherchés et appréciés. Mais seule la pierre dure lapis-lazuli peut être utilisée pour créer un pigment de peinture. A condition de savoir la transformer. Les européens échouent à séparer les impuretés des particules tinctoriales.
Les mésopotamiens et les égyptiens sont de grands créateurs de bleus. Tous les bleus intenses du lapis-lazuli, mais également ceux des mélanges à base de cuivre. Décors somptueux, peintures, mosaïques, bijoux, objets, voire petit mobilier sont bleus, souvent assortis d’or, alliance qui incarne l’Orient.
Dans les civilisations moyen-orientales, le bleu est bénéfique et protecteur. En Egypte, les ouchebtis, petites figurines de faïence placées dans la tombe du défunt pour travailler à sa place et le servir dans l’autre monde, sont souvent peintes en bleu, dont une glaçure rehausse l’éclat. Toutefois, le mort prêt à renaître est parfois représenté avec la chair verte, couleur de la résurrection.
Le bleu protecteur et victorieux est celui de la couronne bleue ou khepresh, qui est portée par Pharaon au palais et à la guerre. Cette couronne est moins célèbre que la couronne d’apparat, blanche et rouge, qui symbolise la souveraineté sur les territoires de la haute et la basse Egypte réunis.
Hérité de cet art des bleus, le mot azur qui vient de l’arabe lazaward.