Dans un petit village de pêcheurs, là où le fleuve mystérieux et sacré est encadré par à peine 30 kilomètres de terre fertile, Adam reçoit une bourse pour partir étudier la théologie au Caire.
Sa destination est prestigieuse, à la hauteur des espoirs que le village a placé en lui. En effet, il part pour l’université d’al-Azhar, lieu d’enseignement des sciences islamiques à la renommée historique et internationale, ce depuis sa fondation par le général fatimide Jawhar al-Siqilli en 972.
Autant dire que c’est pétri du sentiment de sa fortune et d’humilité qu’il pénètre dans la cour intérieure de la mosquée, où des sages, encerclés par des étudiants, commentent les textes sacrés. D’où le titre anglais du film, qui est la traduction littérale du titre arabe, savoir « Un garçon venu du Paradis. »
En effet, le film raconte la chute d’Adam, de son enthousiasme pour les choses de l’esprit à la réalité des jeux de pouvoir.
Car le thème profond, et désespérant, du film est l’écrasement des aspirations humaines les plus hautes par les plus bas instincts, en plus grand nombre, servis par des ressorts grossiers, mais efficaces.
L’incarnation de ce gaspillage au service de ce que l’Humain a de pire est la trahison d’Adam, qui se met en place durant le concours de récitation du Coran, parfaite apogée esthétique. D’ailleurs, pour savourer pleinement la grande séduction de la langue arabe, que servent magnifiquement les plans de cette séquence, ses contractions et ses déliés, ses voyelles longues, sa belle consonne pharyngale, je te conseille de voir ce film en version originale sous titrée.
La perte des illusions, comme un avant goût de la mort, cette initiation universelle pour qui aspire à la lucidité et l’émancipation conséquente, est traitée ici sous la forme du film d’espionnage, avec ses taupes, ses supérieurs hiérarchiques véreux, ses vieux de la vieille auxquels on ne la fait pas, et qui prêchent le faux pour savoir le vrai. Le film s’inscrit avec aisance dans la lignée des œuvres qui font référence dans le genre.
Car le très enthousiasmant Tarik Saleh est un homme de culture et un artiste des classiques. Il filme les Hommes aux prises avec leurs désirs contradictoires, étroits et mortifères, comme le philosophe observe les appétits des êtres qui se débattent dans la grotte privée de jour. Les lignes sont pures, la lumière est belle, le rythme est souple, les personnages sont cohérents, les situations sont – hélas – fondées en politique.
Les scènes se succèdent, toutes utiles, toutes porteuses d’un constat affligeant, mais le style est si léger et tellement parfait que, comme pour « Le Caire confidentiel », il rend le film supportable, voire même aimable, quand l’idée qu’un tel metteur en scène existe vient rasséréner l’esprit.
Evidemment, ceux-là, de tous bords, qui aiment à croire que le bien et le mal seraient l’apanage, respectivement de leurs amis et de leurs ennemis, seront déçus. Séculier ou religieux, le pouvoir vise à la domination des individus en quête de Connaissance.