Quand j’apprends un mouvement, ou quand je l’enseigne, je pars de la technique. J’identifie les os et les articulations qui sont mobilisés, je détermine dans quel groupe musculaire le mouvement puise sa force, quelles sont sa direction et son énergie et de combien de façons différentes il peut se dessiner dans l’espace.
Une fois ce travail commencé, j’ai très souvent remarqué qu’il est plus facile d’obtenir une bonne qualité de mouvement en y ajoutant une émotion.
Une émotion, nous dit le Larousse, est une « réaction affective transitoire d’assez grande intensité, habituellement provoquée par une stimulation venue de l’environnement. » La racine latine d’émotion est « emovere » qui signifie « mouvement, mouvoir hors de »
Mouvement intérieur qui nous anime et nous fait bouger, l’émotion nous sort de notre ego et nous transporte hors de nous-mêmes. Langage universel, elle nous permet de communiquer par le corps aussi bien que par les mots. C’est pour cela qu’elle est un élément fondamental de la danse. Sans elle, la danse reste une gestuelle qui atteint parfois la virtuosité, mais non pas l’art.
Toute la question est de savoir la faire naître indépendamment de l’environnement. Sur une scène, devant un public, l’émotion première est le trac. Et ce n’est pas avec elle que la danse peut « passer la barre » se développer et atteindre le cœur de ceux et celles qui regardent.
C’est là tout le travail qui consiste à rassembler au cours de la vie quotidienne les différents objets qui vont constituer les champs référentiels des multiples émotions que la danse peut exprimer. Il peut s’agir d’un riff de guitare, d’un souvenir, d’icônes du cinéma, de personnages de roman, de quelques mots, d’animaux, d’une odeur, d’une œuvre d’art… Tout objet qui fait naître en soi une émotion puissante avec laquelle il est possible de rester en contact durant la danse. La technique est alors transcendée par les émotions que la danseuse place dans les enchaînements. De telle sorte que le plus simple des mouvements tient en haleine une salle entière.
Je vous conseille donc de consacrer un peu de temps à vos émotions, à ce qui vous fait rire et à ce qui vous fait pleurer. Et de conserver dans votre esprit, ou sur un cahier, ou dans un endroit connu de vous seule, ces objets qui nourriront votre danse, que vous soyez débutante ou avancée.