Lettre ouverte à la presse

Je vais vous parler d’un domaine invisible dans les médias, celui de la danse en province, et plus particulièrement celui des danses autres que la danse classique, la danse contemporaine et la danse jazz.

Ces danses peuvent être enseignées dans des salles publiques mises à disposition des associations. Dans ce cas, cette mise à disposition s’identifie comme une subvention.

Mais comme ces salles sont en nombre insuffisant, les professeurs de ces danses qui veulent faire de l’enseignement leur profession, en se consacrant à des mises à niveau permanentes, en professionnalisant le niveau de leur technique,  en constituant des fonds documentaires sur leur discipline, créent leurs salles privées.

Ces salles sont de véritables « poumons » où les disciplines moins considérées que la danse classique, la danse contemporaine et la danse jazz peuvent exister.

Les charges liées à l’existence de ces salles sont financées par les abonnements des élèves, par les stages, par les soirées et par les manifestations événementielles.

Depuis le 17 mars 2020, ces quatre sources de revenus sont interdites. Je suis désolée de le dire en des termes si crus, mais la réalité est que nous sommes en train de crever.

Il est vrai qu’une société peut vivre sans que des artistes indépendants, qui atteignent l’équivalent SMIC après plusieurs années de galère consacrées à la création d’une clientèle et d’un carnet d’adresses, soient dans ses rangs. Nous ne serons plus sur la scène des galas de fin d’année, des festivals d’été, des soirées professionnelles, des mariages, des anniversaires, etc … Nous serons remplacés par des amateurs plus ou moins bons. Quant à nos élèves, il y a peu de chances qu’ils trouvent nos disciplines dans les conservatoires et dans les grandes écoles.

Notre société va se passer d’une civilisation où la pluralité des univers et des techniques oeuvrait à l’émancipation de l’esprit – et du corps – humains.

Si d’aventure je croisais une de ces personnes qui décident et qui ne font pas partie de mon monde, je ne lui demanderais pas d’indemnisation. Je lui demanderais les regards concentrés des élèves lorsqu’elles découvrent un nouvel enchaînement, la fierté des progrès, la persévérance gratuite des amateurs, les heures à penser aux costumes, le plaisir de voir vivre dans d’autres corps les chorégraphies que j’ai écrites, la surexcitation des plus jeunes à l’idée de la scène, le doute plein de désir des plus âgées qui n’en reviendront pas d’avoir osé, le raffut en sourdine des coulisses et le silence des vestiaires quand les cours sont terminés, le metteur en scène à fleur de peau et la costumière dans les temps, mais c’était moins une. Je lui demanderais Ma Vie.

« Fakir » Mai-Juin 2021. Rédacteur en chef: François Ruffin

Cours en vidéo : mode d’emploi

La danse est un art vivant qui se caractérise par la mise en présence d’artistes et d’un public. L’image enregistrée l’ampute généralement de plusieurs de ses éléments constitutifs que sont, entre autres, l’émotion et l’énergie. Seuls quelques rares metteurs en scène (Stanley Donen et Gene Kelly, Carlos Saura, Claude Lelouch… ) sont parvenus à la filmer sans la dénaturer. Mais souvent, la caméra n’aime pas la danse, notamment parce qu’elle peine à filmer l’égrégore qui unit le danseur et son public dans la quête du Beau et de l’Harmonie.

Cette réalité vaut également pour les cours de danse. Les intentions réunies des danseurs d’apprendre et de s’affranchir de toutes les pesanteurs sont la matière première des cours. Sans ces désirs tendus vers le même but, la technique et l’expérience du professeur sont impuissants.

C’est donc un crève-cœur pour moi d’enseigner au moyen de vidéos. Pour alléger mon dépit et mon déplaisir, je te donne ici quelques pistes pour que tu gardes à l’esprit que dans la difficulté, l’enseignement et le studio te soutiennent.

Continuer la lecture de « Cours en vidéo : mode d’emploi »

Incontournables et babioles pour danseuses orientales*

Au tout début du 20ème siècle, Jack London écrit avec beaucoup d’humour que nos salons sont encombrés de bric à brac et que : « d’innombrables objets ne servent qu’à amasser la poussière alors qu’il n’existe que fort peu d’ustensiles permettant de s’en débarrasser. »

Pour te faire plaisir, voici quelques objets qui seront petitement ou grandement utiles pour pratiquer la danse orientale, pour la mieux connaître, pour t’inspirer et pour l’enfant qui est en toi 🙂

Continuer la lecture de « Incontournables et babioles pour danseuses orientales* »

Souhair Zaki, la douce étoile du Caire

En 1952, le Mouvement des officiers libres dirigé par le général Mohammed Naguib renverse la monarchie égyptienne. La République égyptienne est proclamée et son programme tient en 6 points révolutionnaires : fin du colonialisme et du féodalisme, fin de la domination du capital sur le pouvoir politique, établissement de la justice sociale, instauration d’une vie démocratique stable et formation d’une armée nationale.

En 1954, le brillant et charismatique lieutenant-colonel Gamal Abdel Nasser devient le deuxième président de la jeune République égyptienne. Il succède à Naguib jugé trop proche des Frères musulmans.

Née en 1944 ou 1945, Souhair a une dizaine d’années quand souffle sur l’Egypte ce vent de renouveau et de liberté. Elle a perdu son père dans son jeune âge et a quitté sa ville natale de Mansoura pour Alexandrie à l’âge de 9 ans. Sous la direction de son beau-père, elle commence à danser dans les nightclubs (le terme de cabaret désigne des établissements de bas étage. Pour aller plus loin : Badia Masabni : la Civilisatrice) grecs où son style est remarqué par un public cosmopolite et conquis par les idées progressistes.

Continuer la lecture de « Souhair Zaki, la douce étoile du Caire »