4€90

L’esprit mercantile qui anime la plupart des acteurs de la danse orientale semble assez néfaste. Certes, il peut conduire à une certaine inventivité en stimulant l’apparition de nouveaux styles et de nouveaux produits, dont les danseurs eux-mêmes, mais il aboutit surtout à favoriser une production à la chaîne au bénéfice des meilleurs gestionnaires.

Tout en désapprouvant le marché de la danse orientale, je lui reconnais le mérite d’avoir créé l’environnement nécessaire à la survivance et au renouvellement, pas toujours pour le meilleur, de cette gestuelle.  Le monde « culturel », empêtré dans des préjugés, inconscient de son ethnocentrisme, est fermé à la danse orientale. Il ne peut l’envisager que sous l’angle de la tradition ou du métissage. Considérer la danse orientale comme une technique physique permettant l’expression d’états de corps dans le présent semble impossible. Le fait qu’elle soit une danse érotique féminine ajoute un obstacle quasi insurmontable à sa qualification d’art par les mandarins qui règnent sur l’espace culturel occidental.

Si la danse orientale grappille quelques subventions, les scènes prestigieuses lui sont inaccessibles. Cette absence de débouchés empêche la rencontre de la danse orientale avec les réflexions et les processus artistiques de son siècle. Interdite de sortir des clichés hérités de la période coloniale puis du cinéma égyptien, elle est bornée par des objectifs de performance et de lucre.

Cette ambiance encourage la recherche du moindre profit. Et tous s’y jettent sans hésitations.

Ainsi, cette année, je me suis décidée à organiser une commande groupée de foulards et d’accessoires pour mes élèves. C’était la période des soldes. Chacune a soigneusement fait son choix. Au moment de finaliser la commande, je m’aperçois que des frais de port sont comptés :

4€90

Je me dis que cela doit être une erreur car le site annonce clairement qu’au-dessus d’une certaine somme, les frais de port sont offerts. Je valide et je vais dans l’onglet contact pour demander que les frais de port comptés soient re-crédités sur ma carte bancaire.

4€90

Je reçois un courriel m’expliquant que les commandes passées en période de soldes ne sont pas exemptées de frais de port. C’est écrit en tout petit derrière l’astérisque. J’explique que je commande pour une association de danse, que c’est là notre première commande, que d’autres sont à prévoir et qu’un geste commercial serait apprécié.

4€90

Ah mais non ! Impossible ! Car les soldes sont des ventes à perte. Et, très grossièrement, ce nouveau courriel me propose d’annuler ma commande si les conditions me déplaisent. Il y a une chose qui m’exaspère : c’est d’être prise pour une abrutie. Je réplique que les soldes ne sont pas des ventes à perte puisqu’elles permettent de vider les stocks, lesquels ont un coût comptable. J’ajoute que je ferai savoir à mes élèves que leur clientèle ne vaut pas 4€90 et qu’il n’a jamais été question d’annuler ma commande.

4€90

Peu après, je trouve un message sur  mon portable. Le directeur de cette société, dont le site célèbre les 12 ans d’existence, souhaite que je le rappelle pour dissiper le « malentendu ».

4€90

Je ne l’ai pas appelé. Mon temps est précieux. Et que dire à un homme qui fait des bénéfices considérables dans une activité d’import/export et qui refuse un geste commercial de …

 4€90 ?  😛  😛  😛