Les préjugés sur la danse orientale : « Facile »

 

"La technique de la danse orientale est au service de l’expression et du plaisir de la soliste."
« La technique de la danse orientale est au service de l’expression et du plaisir de la soliste. »

Un jour, une danseuse contemporaine, de formation classique, à laquelle je venais de dire que j’étais danseuse orientale, s’est mise immédiatement à tortiller du bassin, raide comme la justice. La voir ainsi se ridiculiser, penser qu’elle avait juste besoin d’un peu d’entraînement, me fit peine. Elle incarnait la vision académique européenne de la danse, pour laquelle la danse orientale est rabaissée à une gestuelle sexuelle et instinctive. Récemment, une danseuse amateure me déclarait qu’elle maîtrisait instinctivement la danse orientale parce qu’elle avait suivi des cours de danse africaine. Ses propos illustrent l’idée ethnocentrique européenne que toutes les techniques pelviennes se ressemblent. Par ailleurs,  l’Afrique est un continent, et parler de danse africaine au singulier est une aberration. Pour ma part, après 20 ans de pratique, je ne me risque pas à trouver un lien quelconque entre les danses africaines et la danse orientale. Si toutes les techniques qui font appel au bassin sont pareilles, alors, il en va de même de toutes les techniques qui font appel aux jambes. De telle sorte que la danse classique et le football sont deux versions d’une même technique. Après tout, dans les deux cas, il est question de jambes et de dextérité…Quand il s’agit de techniques européennes, le ridicule des assimilations saute aux yeux 🙂

La technique de la danse orientale est au service de l’expression et du plaisir de la soliste. Deux choses qui l’opposent aux codes chorégraphiques européens. C’est en application de ces codes qu’elle est qualifiée de « facile. »

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Petites department *

"Peinture de Kwong Kuen Shan."
« Grandir » de Kwong Kuen Shan.

Je suis petite. Je ne peux pas être sapeur-pompier, gendarme, hôtesse de l’air, ou  danseuse de revue. Ca a commencé à ma naissance 🙂 Dès mes 6 mois, le docteur a rassuré mes parents : je ne serai pas grande, mais comme j’étais parfaitement proportionnée, cela ne posait aucun problème. Dès lors, « petite » a été pour moi une qualification, dénuée de sens péjoratif.

J’ai vraiment réalisé ce que « petite » veut dire quand, adolescente, j’ai croisé une autre adolescente de ma taille, et que nous nous sommes regardées dans les yeux, sans avoir à lever le regard. Je me souviens encore de la sensation étrange que j’ai ressentie. Je n’ai pas compris tout de suite pourquoi cette jeune fille me paraissait spéciale. Je garde encore en mémoire l’image de sa silhouette gracile. C’est à ce moment que j’ai pris conscience de l’aspect que je présente aux autres.

A cet âge, être différente, même un peu, ne m’a pas réjoui. J’en ai fait un complexe. Soudain, ce qui me qualifiait me dénigrait. Je vivais ma taille comme un handicap dans les relations humaines et professionnelles.

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Les préjugés sur la danse orientale : « Génétique »

"Une danse pratiquée par les femmes de toutes origines."
« Une danse pratiquée par les femmes de toutes origines. »

Je poursuis mon examen des idées reçues sur la danse orientale. J’ai expliqué que la danse orientale est difficile à comprendre, parce qu’elle est liée à un ordre symbolique qui valorise le pouvoir créateur  féminin, et l’union des humains et de la nature, notions inexistantes dans nos sociétés actuelles.

Un autre aspect de son histoire brouille la vision que nous avons de la danse orientale. Elle est l’héritière des rapports de forces issus de l’histoire coloniale.

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Laylâ, ma raison

 

"La légende de Qays et Laylâ date du VIIème siècle."
« La légende de Qays et Laylâ date du VIIème siècle. »

La danse orientale est une discipline très ancienne. Reléguée en marge des sociétés monothéistes, son esprit a survécu, et sa technique a évoluée au fil des contextes socioculturels qu’elle a traversés.

La légende de Qays et Laylâ fait partie de l’environnement artistique de la danse orientale. Elle date du VIIème siècle, et a été adaptée pour le cinéma, en 1989, par le metteur en scène tunisien Taïeb Louhichi.

Qays et Laylâ  vivent dans un campement prospère, près d’une oasis, dans le désert d’Arabie. Leurs pères sont cousins. Qays est un jeune homme brillant, aussi doué pour l’action que pour les arts. Ses parents croient en lui, et l’envoient parcourir le monde. Quand il revient, il n’a qu’une idée en tête : chanter Leylâ, et l’amour qu’il lui porte, dans ses poèmes. Cela est strictement contraire aux codes qui régissent le campement. L’amour pour une femme ne se dit pas, et encore moins l’amour pour le corps d’une femme. Mais Qays refuse de considérer les vers d’amour comme des choses défendues et impures. Il se rebelle contre ces limites de l’intime qui sont imposées à son art. Quand le père de Laylâ rejette sa demande en mariage, il se met à errer dans le désert. Jusqu’à en devenir fou. Laylâ est mariée à un autre homme. Mais celui-ci est désespéré de ne pas la rendre heureuse. Il la ramène à sa famille, où elle meurt.

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Les préjugés sur la danse orientale: « Chair à vendre »

"La danse orientale donne à voir des émotions qui témoignent de notre appartenance à un tout. "
« La danse orientale donne à voir des émotions qui témoignent de notre appartenance à un tout. »

La gestuelle féminine appelée danse orientale est mal jugée depuis très longtemps.

D’abord, il y a eu l’apparition des monothéismes et la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul principe fondateur masculin. Puis sont venus le refus des interprétations systémiques du monde, et la valorisation des seules approches réductionnistes et rationalistes.

Dans de tels contextes culturels, la danse orientale, expression d’une vision féminine du corps et des relations au monde, est rabaissée. Car elle célèbre les cycles de la vie où se succèdent  l’énergie génésique féminine et  les autres puissances de l’univers. C’est une danse imprégnée par la nature, qui ne raconte aucune histoire, mais donne à voir des émotions qui témoignent de notre appartenance à un tout.

Actuellement,  elle est souvent mal représentée, et le milieu « culturel » a beaucoup de mal à la comprendre. Dès lors, beaucoup de gens trouvent confortable de la considérer comme un divertissement charmant, voire la marque d’une « culture ».

J’ai donc décidé de m’attaquer aux préjugés dont est victime la danse orientale, et de proposer un regard neuf sur elle.

Mon premier billet est consacré à l’idée que la danse orientale ne serait qu’un prétexte pour faire étalage de ses charmes, une « vitrine » pour de la « chair à vendre. »

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