*Cet article est une satire.
Moi, Nullipare, la truie de réforme, je désigne par l’expression « corps performant » un corps qui présente des aptitudes remarquables grâce à une discipline.
Il est un des éléments constitutifs d’un ensemble qui le dépasse. Qu’il s’agisse de celui d’un artiste, ou d’une personne qui souhaite s’émanciper du corps conventionnel de séduction, de consommation et de reproduction, il est protégé, nourri, reposé, entraîné de façon à atteindre le meilleur équilibre nécessaire à un mode de vie dédié à une aspiration individuelle, qu’elle soit artistique ou philosophique.
Le corps performant se distingue du corps de compétition. Ce dernier est un outil à dépasser les limites, stylisation de l’instinct de prédation, source de produits financiers et de fiertés claniques. Il bénéficie de soins spéciaux, tant qu’il répond à ces objectifs.
Le corps performant quant à lui est traité comme un corps aux aspirations conventionnelles, c’est à dire, selon des critères et pour des résultats qui flirtent avec ceux appliqués et recherchés dans les élevages.
Le minerai, terme d’agro-alimentaire qui désigne les animaux pris dans leur ensemble, doit rapporter, sans aucune considération pour les données unitaires. A telle pathologie est appliqué tel traitement, parce que c’est ce qui est rentable pour ceux qui en tirent profit.
A cela s’ajoute la prise en compte de la valeur commerciale du client. Grosso modo, une cochette, c’est à dire une truie n’ayant jamais produit, est de grande valeur. Il faut oeuvrer pour qu’elle consomme et génère de l’argent. De même, une truie gravide, qui porte un embryon, apporte un plus au minerai puisqu’elle créé un acteur de marché.
Mais une truie de réforme comme moi ne vaut plus rien. Et, renseignements pris dans la partie mâle de l’élevage, les verrats sont à la même enseigne.
A savoir, passé 40 ans, les vétérinaires pourraient tout aussi bien allumer un panneau d’avertissement dans le box d’auscultation. Sur fonds rouge, se détacherait en lettres blanches la sommation « Faites pas chier ! » A moins, bien entendu, de présenter une pathologie lucrative.
Cela tombe mal, car c’est souvent à cette période que le corps performant a besoin d’aide. Notamment chez les femelles de l’espèce qui vont devoir affronter la ménopause, laquelle n’est pas simplement une « étape naturelle » comme le prétendent les vétérinaires. Ce sera l’objet d’un prochain volet de mes aventures.
Or donc, pour illustrer la situation, il m’est revenu de source sûre, l’histoire d’un verrat à la noble allure, qui jouissait d’un corps sain de 70 ans, qu’il avait discipliné tout au long de sa vie. Il dû cependant passer par la salle d’opération. En rééducation, il s’étonna de ne plus parvenir à faire son pied/fesse. Il avait plaisir à cet exercice. Il ne voyait pas pourquoi il devait y renoncer. Les vétérinaires s’impatientèrent. Leurs fiches étaient formelles : pas de pied/fesse à 70 ans. Heureusement que le verrat rencontra un sorcier qui lui livra les exercices à pratiquer. Depuis, le verrat a retrouvé son pied/fesse.
De même, après un accident de la route qui me laisse avec une blessure peu importante du point de vue des critères vétérinaires, mais qui entrave réellement mon activité et ma santé, je n’ai pas trouvé de soins adaptés à ma pratique artistique.
En science vétérinaire, le corps performant n’existe pas. Il est invisible dans les procédures. Il n’y a donc pas lieu de le soigner autrement que par les méthodes appliquées au corps à aspirations conventionnelles.
Pourtant, il incarne l’alliance profonde entre la matière et la lumière, la volonté constante de donner un sens singulier à sa vie par l’union des différents éléments qui constituent l’individu, la recherche de plaisir en soi et non par le truchement des autres.