La danse orientale apparaît en Europe à l’occasion des expositions universelles, puis dans les music-halls, où elle est souvent présentée à l’entracte, ou en fin de spectacle, dans de petits espaces à l’atmosphère intimiste qui lui sont réservés. La danse orientale dans les restaurants est un divertissement relativement récent.
A cela s’ajoute le fait qu’en Europe, la scène est l’espace réservé à la danse. Donc, les gens qui viennent dîner ne sont pas dans l’esprit d’assister à un spectacle artistique. Ils peuvent être fatigués, aspirer à se détendre autour de mets délicats, ou avoir le projet d’aborder à l’occasion de cette sortie un sujet important qui leur tient à cœur…
Voici quelques astuces pour faire aimer au plus grand nombre une prestation de danse orientale dans un restaurant.
Vous n’êtes pas le clou de la soirée
Comme je l’écris dans l’introduction, les gens qui sont dans la salle ne sont pas venus pour assister à un spectacle de danse orientale. Certes, certains vous attendent avec impatience, et ils ont choisi ce restaurant parce qu’il propose de la danse orientale. Mais n’en faites pas une généralité.
Le changement d’éclairage, l’augmentation du volume de la musique peuvent les surprendre. Il ne faut pas en rajouter en s’imposant dès le départ à chaque table. Le premier contact doit se faire avec légèreté. Ce qui est bien est de faire un premier tour de salle avec des arrêts très brefs afin que les gens vous identifient et comprennent que vous êtes là pour eux. Ensuite, vous pouvez revenir danser plus longuement à chaque table.
Vous n’avez pas de train à prendre
C’est vrai que j’ai principalement travaillé dans de grands établissements. J’ai donc souvent dansé sur des routines de plus de 15 minutes, à raison de deux passages. Il est évident qu’il faut adapter la durée de la musique au nombre de tables. Mais même dans un petit établissement, 5 minutes chrono en main, cela me donne le sentiment que la danseuse est radine, dans le style : « un drop, un huit et deux shimmies par table, puis je remballe. » 😉
L’un des éléments essentiels de la danse orientale est son caractère hypnotique. Pour cela, il faut que les mouvements soient répétés et que la danseuse s’installe dans l’état de corps qu’elle traverse, afin que le charme opère.
Vous n’êtes pas une rivale
Il faut toujours danser en premier pour les femmes de la table. Etablir une complicité avec elles permet de prendre de la distance avec l’aspect érotique de la danse orientale. Dans 99% des cas, les femmes se sentent rassurées par cette attitude. Les hommes se sentiront d’autant plus à l’aise pour vous regarder.
Vous n’êtes pas gratuite
J’ai entendu tout un tas de considérations pseudo morales, pseudo historiques pour condamner les danseuses qui acceptent les billets glissés dans la ceinture en guise de pourboires.
Gérard de Nerval raconte que c’est avec de petites pièces « que l’on fait des masques d’or aux danseuses, quand après un pas gracieux elles viennent incliner leur front humide devant chacun des spectateurs. »
De nos jours, le spectateur, ou la spectatrice, glisse le billet dans le costume de la danseuse. D’un point de vue symbolique, le geste est certes plus dominateur que celui de laisser une pièce dans une soucoupe sur l’addition. Mais il faut aussi assumer ce que la danse orientale donne à voir. Elle prend sa source dans la célébration des énergies génésiques, dont la sexualité n’est pas l’une des moindres. Dès lors, un contact avec le spectateur, dans la mesure où il est maîtrisé, n’est pas dégradant. Il fait partie de la danse.
Pour garder le contrôle, le mieux est d’inviter le spectateur, ou la spectatrice, à glisser le billet sur la hanche, en se présentant sur le côté. Cela permet en plus de jouer avec des drops et des lifts pour esquiver malicieusement la première tentative du généreux donateur 😉
Vous n’êtes pas sur scène
Comme je l’écris dans un billet, la danseuse orientale dans un restaurant est une performeuse. La performance est un art contemporain que le Larousse définit comme un « mode d’expression artistique qui consiste à produire […] un événement dont le déroulement dans le temps et les implications plus ou moins prévues constituent l’œuvre même. » C’est tout à fait ce qu’il se passe quand une danseuse apparaît dans le quotidien de gens venus manger au restaurant. L’improvisation et l’interaction avec le public ajoutent l’imprévisible et l’aléatoire à la représentation. Elles composent ainsi une œuvre éphémère et unique.
En ce sens, rien n’est plus ennuyeux qu’une danseuse qui chorégraphie sa prestation dans un restaurant. Autant la chorégraphie est utile sur scène pour avoir prise sur les états de corps, autant dans un restaurant elle s’oppose à tout échange avec l’environnement, ce qui a pour conséquence d’enfermer la danseuse dans son monde, et laisse un sentiment d’inachevé.
J’entends souvent qu’il suffit d’un beau costume et d’un joli sourire pour satisfaire les publics d’un restaurant. Mon expérience m’a appris tout le contraire 🙂 Le restaurant n’est pas un lieu d’entraînement en attendant l’opportunité de danser sur scène. Il est l’espace dans lequel la majorité des gens découvrent la danse orientale. Pour cette raison, il est fondamental d’y présenter un véritable travail de qualité fondé sur une démarche artistique.