Henri Gauthier-Villars dit Willy (1859/1931) est un journaliste, un critique musical et un romancier français. Médiocre écrivain, il a souvent recours aux services d’auteurs plus talentueux, mais anonymes, dont il signe les textes. Le plus célèbre de ces auteurs est son épouse Colette.
Willy est un des hommes les plus en vue du Tout-Paris des arts et des lettres. Le personnage est en phase avec le goût et la mentalité de son époque, coloniale et industrielle, où beaucoup considèrent les danses du Moyen-Orient et du Maghreb comme l’occasion de profiter de l’exposition de la sensualité féminine.
Au contraire, Willy accorde à ces danses une qualité artistique. Il ne prend pas pour prétexte la dimension érotique de la danse orientale pour la rabaisser, et considère cet aspect de la gestuelle comme son mérite. Il la décrit en termes techniques, et insiste sur le travail d’interprète de la danseuse. Son regard est d’autant plus intéressant que, de nos jours, ces éléments constitutifs et essentiels de la danse orientale ne sont pas encore généralement admis. De plus, il constate que les danseuses, à force de chercher à divertir, se cantonnent à un premier degré, excitant, mais frelaté. Son constat est d’une troublante actualité.
« Les divers moments d’une passion physique »
« L’Egypte connut, d’ailleurs, d’autres danses que les religieuses et qui ne laissaient point que d’être licencieuses, extrêmement. Constatons avec plaisir que la tradition ne s’en est point complètement perdue et se perpétue dans la danse actuelle des Gawasis.
Celle-ci figure, sans vaine pudeur, les divers moments d’une passion physique: avant, pendant, après. Ce sont des mouvements lents, d’abord, et presque chastes ; puis insensiblement, tout s’anime, rythme et attitude, et les délices du plaisir le plus violent se traduisent en pantomime significative ; par ses poses, par ses gestes, la danseuse exprime à peu près tout ce qu’elle désire et…tout ce qu’on lui donne : les sensations les plus diverses, joie, trouble, inquiétude – et vice-versa- se lisent sur son visage, son corps vibre comme une lyre…Vient enfin le spasme suprême, fougueux, délirant, l’extase lassée et l’alanguissement voluptueux, puis le désir renaissant…et la scène reprend de plus belle […] Evidemment ce n’est point là un spectacle pour les jeunes filles ; mais il convient merveilleusement aux messieurs âgés. »
Un divertissement commercial
« En 1900 […] tout Paris s’enthousiasma, au Trocadéro, pour la célèbre Zohra, l’étoile fameuse du Caire […] Grâce à Zohra, nos compatriotes connurent dans toute sa perfection le pas de l’abeille (que nous avons baptisé danse du ventre) et aussi les scènes nuptiales, la danse des verres – où l’exécutante, couchée sur le dos, fait danser des verres sur sa poitrine – bref, ce que sont devenus, après des siècles et des siècles les spectacles de cette sorte : un moyen (efficace, je n’y contredis point) d’excitation.
Mais, de la véritable danse égyptienne, il ne reste effectivement que les poses gracieuses ou érotiques qu’étudient au microscope, en de solennels musées, de vieux messieurs au crâne dénudé : les voyeurs de la science. »
Faut-il en conclure que c’est en tournant le dos aux stéréotypes du marché, et en remontant le cours de l’histoire, que la danse orientale trouvera son nouveau souffle?