Les Mille nuits et une nuit sont un recueil de contes assemblés par l’histoire de Schahrazade et du roi Schahriar.
Ce récit cadre serait emprunté au Hazâr Afsânâ, qui se traduit par « Les Mille contes » ou « Les Mille histoires divertissantes ». Il s’agit d’un recueil de contes persans dans lequel figure l’histoire de la fille du vizir tentant de dulcifier le courroux du roi cocufié en lui contant des histoires.
D’ailleurs, les prénoms de Schahrazade (La Fille de la cité), Schahriar (Le Maître de la ville) Doniazade (La Fille du monde) et Schahzaman (Le Maître du temps) sont persans.
En tant que recueil, les Nuits sont apparues en langue arabe et ont été copiées et recopiées. Si bien qu’au fil des siècles et des scribes, les contes sont modifiés, enrichis voire sophistiqués. Chaque copiste utilise les expressions de son époque et de son lieu de vie, introduit la gestuelle et les habitudes de son environnement.
Il est admis que le recueil originel est constitué de 13 contes qui représentent environ 200 nuits. Les premiers sont datés du Xe siècle tandis que les plus tardifs seraient du XVIe siècle.
Les Nuits se sont étoffées par l’ajout de contes d’origines diverses, allant de l’Inde à l’Afrique. Toutefois, leur mise en forme témoigne des conditions matérielles et spirituelles d’existence dans l’empire mahométan.
En ces cités et en ces temps, comme c’est le cas également dans le monde chrétien, la mère vaut plus que l’épouse, car un homme n’a qu’une seule mère.
Mais si en Occident la procréation est la seule vocation de la femme, en Orient, lui incombe également le devoir d’être divertissante et rafraîchissante.
A cette fin, elle ne doit pas être toujours joyeuse, ni toujours triste. Elle ne doit pas parler sans cesse, ni demeurer silencieuse. Elle ne doit pas s’attifer, ni se négliger. Et elle doit être modérée en toutes circonstances. Cette dernière exigence s’applique à la mode méditerranéenne, c’est à dire que manifestations de douleur et évanouissements de joie sont considérés comme convenables.
A 19 ans, une femme sans alliance est une vieille fille. Les héroïnes des Nuits sont des adolescentes. Elles sont à l’âge où les femmes sont considérées comme particulièrement malignes, voire meurtrières, car elles sont dévorées par le désir de s’attacher un homme et de procréer.
Passé 19 ans et les premières couches, la femme « est grasse, vive et séduisante » de 20 à 30 ans. Ses reins sont prolifiques et donnent naissance à de nombreux enfants entre 30 et 40 ans. Passé cet âge, le monde se rétrécit et elle devient vieille et rusée. De 50 à 60 ans, elle est un « chagrin qui vous colle à la peau » et après « une malédiction du ciel. » *
Dans les Nuits, les vieilles femmes sont particulièrement néfastes.
Hypocrites, elles contrefont la piété « …priant ainsi avec la langue, tandis que son coeur courait dans le champs de courses des démons, et que sa pensée s’appesantissait dans la recherche d’expédients pervers et redoutables » pour pénétrer dans les demeures. Là, elles dépouillent les jouvencelles et organisent les enlèvements des adolescentes convoitées par les vicelards. Elles jouent aussi le rôle de rabatteuses ou de geôlières.
Une exception est la vieille femme qui aide Alischar à retrouver son aimée, la belle Zoumourroud, et le soutient au point de lui sauver la vie alors que le chagrin le tue : « … elle lui donna elle-même le bain, et lui fit boire des sorbets , et lui fit manger un poulet. Et elle continua pendant un mois à le traiter de la sorte, si bien qu’il finit par être en état de voyager. »
Mais en général, elles sont sans scrupules et cruelles.
La plus effroyable d’entre elles est la Mère-des-Calamités. Nourrice du roi chrétien Hardobios, et chrétienne elle-même, un de ces stratagèmes cause la mort du roi Omar-Al-Némân, et un autre est bien prêt de conduire à la ruine l’armée musulmane.
« Or, cette vieille Mère-des-Calamités, cause réelle de tous ces malheurs, était vraiment une horreur de vieille femme : rouée, perfide, pétrie de malédictions ; sa bouche était putride ; ses paupières rougies et sans cils ; ses joues ternes et poussiéreuses ; son visage noir comme la nuit ; ses yeux chassieux ; son corps galeux ; ses cheveux sales ; son dos voûté ; sa peau ratatinée. »
Sans parler de son haleine fétide, de l’odeur d’urine de ses aisselles, et de ses pets : « Jamais l’essence de roses dont elle s’humecte la peau n’abolira la pestilence de ses pets silencieux ! »
Quand elle ne manigance pas la perte de ses ennemis, elle poursuit de ses assiduités les jeunes esclaves du palais, garçons et filles confondus.
Si la laideur est associée à la vieillesse féminine, tel n’est pas systématiquement le cas du grand âge au masculin : « …un homme au visage imposant et digne, dont la barbe était blanchie par les ans, dont les traits étaient forts beaux et très agréables à regarder, et dont toute la physionomie était empreinte de gravité, de bonté, de noblesse et de grandeur. »
* Sir Richard Francis Burton, Le Livre noir des Mille et une nuits