Le Cantique des Cantiques, la grenade et la danse orientale

Crédit photo : Calligraphie Ahmad Dari

Je suis chanceuse : je reçois autre chose que des factures et des avis d’imposition dans ma boite aux lettres 🙂  Je reçois des cartes 🙂 Il n’y a pas très longtemps, j’ai reçu cette belle calligraphie illustrant quelques vers du poète palestinien Mahmoud Darwich* :

« Si tu es vraiment mon aimé, compose un

Cantique des Cantiques pour moi

Et grave mon nom sur la branche d’un

grenadier, dans les jardins de Babylone. »

Ces vers évoquent la Mésopotamie et les systèmes symboliques de ses civilisations à jamais disparues où le Féminin était célébré en la personne de la déesse Inanna/Ishtar.

Déesse de l’amour, des changements d’états, de la guerre et de la souveraineté, elle accompagne les êtres sur le chemin de la vie et elle apporte aux rois la victoire ou la défaite.

Les danses érotiques et, dans certaines citées, la hiérogamie incarnée par l’union charnelle du roi avec la prêtresse du temple d’Inanna/Ishtar, font partie de la liturgie.

Certains pensent que le Cantique des Cantiques puise sa source dans les chants associés à ce mariage symbolique. Cette interprétation contrarie assez les commentateurs de la Bible. Néanmoins, le Cantique des Cantiques est bien la réunion de poèmes exaltant l’amour d’un homme et d’une femme qui prennent la parole tour à tour pour glorifier la communion du Masculin et du Féminin.

Originaires d’Iran et du nord-est de la Turquie, puis implantés sur le pourtour méditerranéen à l’âge de bronze, le grenadier et la grenade sont associés à Inanna/Ishtar ainsi qu’à son équivalent d’origine phénicienne et célébré à Carthage,  Tanit.

Crédit photo : Freepik.com

La grenade est un fruit magnifique qui attire le regard. Elle est l’image de la beauté. Les grains serrés à l’intérieur de la chair rouge sang évoquent l’union des deux principes Féminin et Masculin intimement imbriqués dans le feu intérieur de la terre. En ce sens, la grenade incarne la force de la sexualité en tant que moyen de parvenir à la continuité du cycle de vie. Il est logique qu’Inanna/Ishtar, qui a la main haute sur les changements d’états qui traversent les vies, soit associée à l’image de la grenade.

Les monothéismes conservent ce symbole d’union. La grenade représente alors le peuple soudé par la même foi.

A la lumière de ces symboles, ces vers révèlent toute la profondeur et la sensualité de l’attachement des deux amants. Leurs cœurs et leurs corps sont étroitement unis par un amour obéissant aux lois de l’univers.

J’aime la richesse de ces vers et le monde polythéiste qu’ils évoquent. C’est dans ce monde qu’est née et a grandi la danse orientale, bien avant l’avènement des monothéismes. C’est là que sont sa source et son inspiration.

* Mahmoud Darwich est né en 1942 en Palestine. Il est décédé en 2008 à Houston, au Texas. Journaliste, il est l’auteur de nombreux recueils de poésie et de quelques ouvrages en prose. Il s’engage au sein de l’Organisation de Libération de la Palestine qu’il quitte en 1993 pour protester contre les accords d’Oslo. Homme de paix, son œuvre est imprégnée de la blessure de l’exil et de la nostalgie du pays perdu.