L’Age d’or est un mythe anthropogonique de la Grèce antique. L’Humanité aurait connu plusieurs stades de développement, selon qu’elle aurait été mouvementée par la quête de la Justice ou de la Démesure. Actuellement, elle en serait à l’Age de fer, où les basses pulsions dominent, telles la cupidité et la méchanceté.
L’Age d’or est le plus haut degrés de félicité et d’accomplissement. Les Hommes « vivaient comme les dieux, le coeur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères […] Tous les biens étaient à eux : le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte. »
Le meurtre et le carnage sont inconnus. Animaux et Hommes vivent dans une parfaite harmonie, car les désirs de domination humains sont inexistants.
Selon Ovide, la chute et la décadence se produisent quand un homme commet un acte de violence aux dépens d’un animal « Après qu’un homme fit le mal pour quelques vivres et plongea dans son ventre avide les nourritures sanglantes des lions, celui-ci , quel qu’il fut, ouvrit le chemin du crime. »
De ce crime originel naît le chaos où s’emmêlent les désirs de pouvoir de l’Humanité, dont les bêtes sont les premières victimes, de façon si spontanée, que leur calvaire en devient invisible.
Il semble que l’Ancien testament ait partagé dans son prélude cette même injonction à la concorde universelle : « Voici, je vous donne toute herbe portant de la semence et qui est à la surface de toute la terre, et tout arbre ayant en lui du fruit d’arbre et portant de la semence : ce sera votre nourriture. Et à tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel, et à tout ce qui se meut sur la terre, ayant en soi un souffle de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture. »
Ainsi, verser le sang est interdit au premières heures du monde. Mais très rapidement, Dieu révèle un goût prononcé pour la bidoche. Ainsi « Caïn fit à l’Eternel une offrande des fruits de la terre ; et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L’Eternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande ; mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. »
Ce goût du sang, Noé le flatte à la sortie du déluge. En échange de tripatouillages de chairs dévastées, le sadique divin garantit la survie de l’Humanité, se résignant à son penchant pour le mal : « Noé bâtit un autel à l’Eternel ; il prit de toutes les bêtes pures et de tous les oiseaux purs, et il offrit des holocaustes sur l’autel. L’Eternel sentit une odeur agréable, et l’Eternel dit en son coeur : Je ne maudirai plus la terre, à cause de l’homme, parce que les pensées du coeur de l’homme sont mauvaises dès sa jeunesse ; et je ne frapperai plus tout ce qui est vivant, comme je l’ai fait. »
Depuis toujours, une infime minorité d’êtres humains reçoit la malédiction de la lucidité. Ceux-là ont dû s’interroger quant à ce divin aux goûts olfactifs aussi déplorables. Sans parler de son peu d’attachement à l’élévation morale de sa créature imbécile.
Deux millénaires plus tard, un homme, qui subira les foudres de toutes les censures et de l’antisémitisme, déchire le voile, et établit que la religion est une névrose infantile, construite aux fins d’affronter l’effroi causé par le non sens de l’existence et l’assurance de la mort.
Il est également remarquable que la religion légitime le désir de jouissance des Hommes sur les plus faibles, au premier rang desquels, les animaux. Ainsi, l’angoisse se dissout dans les actes de pouvoir que sont la contrainte, l’exploitation, et la torture. Ils apportent un sentiment momentané d’être celui qui maîtrise et qui tue, tandis que l’autre subit et agonise.
Ce mécanisme semble toucher à l’universel. Ainsi, dans la péninsule arabique pré-islamique, le chameau d’Arabie (dromadaire à une bosse) endure la plaie adamique.
L’animal est fascinant. De là, sa domination est très désirable.
L’adaptation au désert a formé son apparence et son métabolisme. Il mesure jusqu’à 2 mètres 50 au garrot et peut atteindre les 1.100 kilos. Son espérance de vie est de 40 ans, mais il est tué bien avant.
Dans la mystérieuse bosse se trouve une accumulation de gras. Ce mécanisme a deux fonctions principales. La première est de constituer une réserve d’hydratation, car la graisse se transforme en eau métabolique en cas de besoin. La seconde est d’économiser la transpiration en concentrant la graisse en un seul point. Le corps de l’animal est donc moins gras et se refroidit mieux.
De plus, le chameau d’Arabie fait varier sa température interne afin de s’adapter aux froides nuits et aux jours incandescents. Il peut rester sans boire 2 à 3 semaines en période estivale, et se contente des maigres nourritures du désert. Il possède peu de glandes sudoripares.
A cela s’ajoute des performances d’endurance remarquables. Il parcourt 80 kilomètres en 24 heures, ce qui en fait le « vaisseau du désert. »
Il est habituel de pousser l’animal au bord de l’épuisement : « Sur une chamelle rompue de fatigue dont les voyages n’ont laissé qu’un vestige,/ A l’échine décharnée, à la bosse fondue,/ Mais qui, les os dépouillés de chair, fourbue/ Et, après tant d’efforts, les soles à nu,/ N’en trotte pas moins à vive allure sous les rênes, telle/ Une nuée rousse qui, délestée de son eau, file avec le vent du sud. »
« Si je veux, elle ralentit, si je veux, elle force l’allure / Par crainte d’un bâton crochu, tressé serré, en cuir. »
Selon l’usage auquel il est destiné, l’individu camélidé, reçoit un dressage différent. Il y a les animaux de bât, qui portent les tentes, les bagages, les outres d’eau et de vin, les marchandises précieuses des routes mythiques, et les palanquins, où s’entassent femmes et marmaille des privilégiés : « Enveloppes à structure de bois qu’ombrage/ Un feutre à deux pans où sont jetés un rideau léger et un voile qui retombe sur les flancs. »
Les liens qui fixent les lourdes charges marquent la peau, pourtant épaisse, des bêtes : « Les traces des sangles sur ses flancs font penser / Aux ruisselets qui, au milieu d’un sol égal et dur, sourdent d’une roche lisse. / Elles se rapprochent et, ici et là, se séparent / Tels rapiéçages blancs sur une chemise raccommodée. »
Certains mâles sont réservés à la reproduction, tandis que certaines femelles, que leur qualités natives distinguent, deviennent les montures de cavaliers, ce qui les exposent à la violence de ceux-ci, même si, par ailleurs, ils leurs dédient des vers : « Et du jour où aux vierges j’immolai ma chamelle, / Tout émerveillé d’en voir emportés bagages et selle ! »
Ainsi, la générosité commande d’offrir à l’hôte de préférence une chamelle bien grasse, c’est à dire à la bosse bien pleine, car cette graisse est un met particulièrement apprécié. Si la chamelle est enceinte, c’est encore mieux : « Les servantes passaient la journée à braiser le chamelon dont elle était grosse / Et à prestement nous servir l’onctueux gras de bosse. »
Quand le cavalier décède avant sa monture, celle-ci est aveuglée, sa tête est attachée à sa queue, la condamnant à tourner en rond et à mourir de faim sur la tombe de son propriétaire. La cruauté de ce supplice puise son sens dans le sadisme, qui fait expier à l’animal la mort de l’homme, et l’angoisse qu’elle génère dans le groupe.
Au siècle 2.0, la cupidité et la rage d’oppression règnent toujours en maîtres.
D’abord, il y a les élevages intensifs, où les chameaux sont exploités pour leur viande et leur lait, lequel est trois fois plus riche en protéines et en vitamine C que le lait de vache.
Ensuite, ils sont également utilisés pour transporter des marchandises, la plupart du temps, dans des conditions sordides.
Enfin, le tourisme. Des êtres humains viennent se dilater les orifices dans des lieux où sévit la misère. Le touriste veut jouir de son petit pouvoir, et cède à ses envies de décors pour selfies. La promenade à dos de chameau dans le désert constitue un must à exhiber. Peu importe que la bête montre d’évidents signes de maltraitance et s’écroule d’épuisement. Cela est hors image, autant dire que, pour l’abject Homme 2.0, cela n’existe pas.
Sources des citations :
Hésiode, « Les Travaux et le jours »
Ovide, « Les Métamorphoses »
Genèse I, 29-30
Genèse IV, 3-5
Genèse VIII, 20-21
Mu’allaqa de Labîd Ibn Rabî’a
Mu’allaqa de T’arafa Ibn Al-’Abd
Mu’allaqa d’Imru’ Al-Qays