Etrange gestuelle cette danse orientale. Cela fait bientôt deux siècles que le public l’a découverte à l’occasion des expositions universelles qui se tenaient dans les grandes villes européennes.
Depuis, elle hante les imaginaires du monde sans que, finalement, nul ne la connaisse totalement.
Parfois identitaire, parfois vulgaire, parfois commerciale, parfois élégante, parfois sublime, parfois folklorique, parfois sincère, parfois sans âme, elle a autant de visages et de vérités qu’il y a de femmes qui dansent.
Certains affirment qu’elle est née en Egypte antique pour célébrer les cultes des déesses qui veillaient à la fertilité du monde. Mais la fertilité n’est-elle pas une fantaisie inventée pour célébrer la sexualité subordonnée aux codes qui ordonnent la reproduction des êtres et des relations de pouvoir ?
Pourquoi penser que cette danse si singulière n’aurait que cette source-là ? Comment dansaient les femmes attachées au service des temples sumériens consacrés à Inanna ? Puis leurs héritières, celles attachées au culte d’Ishtar ? Les informations sont rares, mais il semble admis que ces femmes dansaient et que leur danse était qualifiée d’érotique.
Mais dans le cas d’Inanna/Ishtar, ce n’est pas la sexualité au service de l’ordre établi qui est célébrée. D’ailleurs, Inanna/Ishtar n’est pas une déesse de fertilité. Elle est une déesse de changement d’états, de souveraineté (pouvoir primordial) et de désir, quelle que soit sa forme, quel que soit son objet. Inanna/Ishtar aime inverser les choses.
Phallocrates, les Sumériens/Akkadiens phantasmaient le Féminin à travers la déesse Innana/Ishtar. Lui ont-ils attribué des caractères réellement Féminins ou supposés tels ? « Il n’y a pas de fumée sans feu. » Il est possible qu’ils aient attaché à Inanna/Ishtar les images qu’avaient fait naître dans leurs âmes leurs expériences avec les femmes. Les danses érotiques de ces cultes magnifiaient peut-être toute l’ambivalence du Féminin, où se mêlent la volonté de vivre et le goût du plus fort.
Il est donc légitime de se demander si ces danses ont quelque chose à voir avec la danse orientale. Une chose semble certaine : les attributions d’Inanna/Ishtar, qui vont bien au-delà de la seule incarnation de la fertilité, ouvrent des perspectives plus riches que celle de danser la séduction qui conduit à l’acte de reproduction, enchaînement de faits désigné par l’expression : « Danse de fertilité. »