L’héroïne des Mille nuits et une nuit est une adolescente de 14 ans. Femme libre ou esclave, nantie ou pauvre, elle trouve des solutions aux situations désespérées avec un sang froid inégalé, possède un sens pratique remarquable et une éloquence charmante.
A l’occasion, elle revêt des vêtements masculins et gouverne un royaume ou défait une armée.
Lorsqu’elle vit dans les classes privilégiées, elle est une fine poétesse, une délicate calligraphe, une talentueuse musicienne et une danseuse légère. De plus, elle connaît les antiques jurisprudences et les récentes découvertes médicales.
Perle imperforée, elle appartient à l’espèce humaine ou à celle des génies terrestres ou sous-marins.
Mais, dans tous les cas, elle est belle à la limite de l’accomplissement, et faite pour les ébats amoureux. Car « les femmes et les jeunes filles n’étaient créées par le Bienfaiteur que pour s’unir aux hommes par les organes délicats ! […] Aucune femme ne vieillira vierge dans l’Islam ! »
En ce sens, les femmes remplissent une mission fondamentale, puisque « la perfection de l’homme et ses délices résident dans sa virilité, et que l’homme ne peut être parfait s’il est chaste, eunuque ou impuissant. »
Un des éléments de cette beauté génératrice est un postérieur somptueux.
Toutefois, au XIIe siècle, l’occident l’apprécie sur une silhouette longiligne. Le corps de la belle doit « être mince et élancé, avec une poitrine haute et menue, des hanches étroites, des jambes longues, des pieds petits et délicats. […] sans aucune sensualité ni provocation apparente. »*
Tandis qu’à la même époque en orient, les fesses des belles doivent être charnues à la limite de l’épanouissement : « Quant à sa croupe bénie, but des souhaits et des désirs, elle était si fastueuse , en vérité, que le marchand lui-même n’avait pu trouver un voile assez grand pour l’envelopper. »
L’épiderme de ces monts célestes n’est pas lisse : « sa croupe [avait] des fossettes et des étages […] son derrière, orné de creux divers […] la jouvencelle aux belles joues, dont le derrière d’or est granulé […] »
Manoeuvrer ces parties molles demandent un effort certain : « […] elle se lève, et ses lourdes hanches la font se rasseoir ; elle s’assied , et sa croupe opulente rebondit et la fait se tenir debout. [ …] » Son derrière « elle ne pouvait pas le mouvoir à sa guise, vu qu’il tremblait de sa propre nature, comme le lait caillé dans l’écuelle du bédouin , et comme un monceau de gelée de coing au milieu du plateau parfumé au benjoin. […] Elle a un derrière énorme et fastueux qui demanderait une taille moins frêle que celle où il est suspendu ! »
Ces fesses fantasmées incarnent un idéal d’abondance et de bonheur : « Ô dame, marche du pas heureux d’une femme dont le coeur n’a jamais palpité de crainte, et dont la croupe saillante s’est arrondie dans la sécurité. »
Extraits des « Mille et une nuits », contes traduits par Joseph Charles Mardrus
*Michel Pastoureau, « Jaune, Histoire d’une couleur »