Le traitement des couleurs est exceptionnel. Chaque image est comme une aquarelle, où l’eau première atténue l’aridité des paysages, suspend la poussière des ruines et dilue l’odeur de l’effroi.
Les tons grège, jaune et vert pâles, ponctués de teintes plus franches et de traits souples, rendent le récit supportable. Ils protègent de l’anxiété qui pourrait conduire l’esprit à se refermer.
Ce raffinement des dessins est le levier nécessaire du film.Par delà l’horreur et le non sens, les situations apparaissent avec un recul , ce qui les rend éminemment saisissables, proches et universelles.
Ce procédé de distanciation rappelle le spectaculaire « Téhéran Tabou » d’Ali Soozandeh, où l’esthétique du dessin allège la narration de faits épouvantables.
Le prologue du film met en scène un homme armé, qui tire et tue une hirondelle. Son corps blanc tâché de rouge tombe aux pieds de celui qui creuse le trou, où une femme va être lapidée. Les rires fusent. Prendre la vie est un acte ludique et jouissif pour le bétail adamique.
Car l’histoire n’est pas celle d’un endroit. C’est celle de l’Humanité, quand elle s’abandonne à la paresse du non savoir, à la facilité de la rapacité, et au stade annal du chacun pour soi. Quand elle se soumet aux obsédés et aux pervers, qui l’abreuvent de dogmes, afin de la conduire par ses instincts les plus bas et ses peurs les plus profondes.
Demeure chez une minorité l’Amour, seule arme contre les forces de dissolution. La volonté inébranlable d’investir la vie, incarnée par Zunaira, l’artiste condamnée à mort. La tendresse d’Atiq pour Mussarat, son épouse encore amoureuse au point d’aller à la mort pour lui. La passion de l’étude du professeur Bayazid, qui enseigne dans l’ombre l’Histoire et les arts. L’affliction de Mohsen, que la brutalité de la vie quotidienne affecte au point de le faire agir contre ses valeurs les plus intimes.
Lumières dans l’obscurantisme, ces personnages interrogent. Comment aurions-nous agi, si nous avions été dans de telles circonstances. Et comment agissons-nous pour ne jamais nous y trouver ?
Car l’abrutissement des masses par le confort et les fantasmagories nombrilistes les mènent assurément vers des gouvernements, qui, sous différents masques, oeuvrent sans relâche à détruire les droits fondamentaux de l’individu, et le Vivant dans toutes ses merveilleuses expressions.
Film disponible en replay sur France2 (onglet Cinéma) jusqu’au 30 novembre 2024.