« Trois mesures de pure présence de l’aimée, mélangées d’un peu de prudence et de crainte d’être guetté par les jaloux ;
plus, trois mesures d’excellente union clarifiée avec un grain d’absence et d’éloignement ;
plus, deux poids de pure affection et de discrétion sans mélange avec le bois de la séparation ;
en faire une mixture avec un peu d’extrait d’encens de baisers, pris sur les dents et sur le milieu ; deux mesures de chaque variété ; plus cent baisers sur les deux belles grenades que l’on sait, dont cinquante doivent être dulcifiés en passant par les lèvres, suivant le mode des pigeons, et vingt suivant le mode des petits oiseaux ;
puis deux mesures égales de mouvements d’Alep et de soupirs de l’Irak ;
ensuite deux okes de pointes de langues, dans la bouche et hors de la bouche, à bien triturer et mélanger ;
puis mettre sur un fourneau trois drachmes de grains d’Egypte en les additionnant de graisse de bonne qualité, à faire bouillir dans l’eau de l’amour et le sirop du désir sur un feu de bois de plaisir, dans la retraite de l’ardeur ;
après quoi décanter le tout sur un divan bien moelleux, et ajouter deux okes de sirop de salive, et boire à jeun pendant trois jours.
Et, le quatrième jour, prendre pour repas de midi une tranche du melon du désir, avec du lait d’amandes et du jus de limon de l’accord, avec, enfin, trois mesures de bon travail de cuisses.
Et finir par un bain, pour le bénéfice de la santé. »
Extrait des « Mille et une nuits » contes traduits par Joseph Charles Mardrus