Les Mille nuits et une nuit témoignent des conditions de vie matérielles et spirituelles dans différentes civilisations musulmanes entre le Xe et le XVIe siècle.
Les brillantes et prospères cités de l’orient (par rapport à Marseille) sont les cadres enchanteurs, et parfois inquiétants, où s’animent les Nuits.
Dans leur grande majorité, les protagonistes sont fortunés, princes, ou marchands enrichis dans les affaires de vente et d’achat. En de rares occurrences, un citadin misérable, voire infréquentable, tel Aladdin, voit sa destinée s’éclaircir et son essence changer. Roum, c’est à dire relevant de la « nouvelle Rome », savoir Constantinople, et désignant, par extension, les chrétiens, bédouins et maghrébins apparaissent dans certains contes. Ils sont considérés comme perfides, brutaux et incultes.
Les plus démunis se contentent de pain, principalement d’orge, d’oignons et de lait fermenté, voire de fromage : « Mon enfant, je désire alors une galette chaude et un morceau de fromage ! »
Quand elle est abordable, la viande est celle de mouton, notamment les pieds et la tête. Le riz est la céréale de base. Il peut être servi en accompagnement de la viande, ou à la crème sucrée. Accouchées et convalescents sont nourris de poulet.
Les mieux servis par la destinée accèdent à des mets autrement plus raffinés : « Il y avait là en effet, dorés et odorants, quatre poulets rôtis, assaisonnés aux épices fines ; il y avait là quatre porcelaines de grande capacité contenant, la première, de la mahallabia parfumée à l’orange et saupoudrée de pistaches concassées et de cannelle ; la seconde, des raisins secs, macérés, puis sublimés et parfumés discrètement à la rose ; la troisième, oh ! la troisième ! de la baklawa artistiquement feuilletée et divisée en losanges d’une suggestion infinie ; la quatrième , des kataïefs au sirop bien lié et prêts à éclater tant ils étaient généreusement farcis ! […] des figues toutes ridées de maturité, et nonchalantes tant elles se savaient désirables ; des cédrats, des limons, des raisins frais et des bananes. Et le tout était séparé par des intervalles où se voyaient les couleurs de fleurs telles que roses, jasmins, tulipes, lis et narcisses. »
Volailles et gibiers farcis de raisins secs et d’amandes, ou de pistaches, s’offrent aux doigts qui les déchirent avec délicatesse.
Les convives se désaltèrent d’eau claire et d’eaux parfumées.
Si la table satisfait le palais, elle est également délicieuse pour la vue. Les mets sont assortis selon leurs couleurs, quitte à en teindre certains, comme le riz. De plus, une attention particulière est apportée à la décoration et aux récipients. Chez le pauvre, il s’agit de bols en terre cuite. Mais à la table des fortunés, porcelaine et cristal, voire or, réjouissent le regard :
Le temps du vin est celui de l’ivresse. L’alcool en tant que breuvage est inconnu, bien que la distillation soit largement utilisée pour fabriquer des parfums et des produits chimiques. Les Nuits ignorent également le thé et le café.
Les mangeurs s’assoient sur les tapis et se calent sur de solides coussins. Une nappe est tendue au sol, sur laquelle sont placés des tables basses légères, ou des trépieds, qui reçoivent de grands plateaux de cuivre ouvragés. Au commencement, et durant tout le repas, bassins, aiguières et parfums sont présentés aux mangeurs afin qu’ils se lavent les mains et se rafraîchissent.
Les repas opulents se font en maintes occasions. Pour célébrer les fêtes religieuses et les événements familiaux, pour honorer des relations d’affaires, pour accueillir un voyageur. Dans ce cas, la coutume veut que « jamais l’hôte et l’invité ne s’interrogent sur leurs noms et qualités […] »
Au fil du jour, au jardin ou au souk, on sirote des sorbets.
Extraits des « Mille et une nuits », contes traduits par Joseph Charles Mardrus