Hürrem Sultane et Süleyman le Législateur, les amants du Siècle d’or – Partie 1

Süleyman naît le 6 novembre 1494 de Selim, qui devient sultan sous le nom de Selim 1er en 1512, et de Hafsa Hatun, vraisemblablement une esclave d’origine chrétienne devenue concubine.

En 1520, âgé de 26 ans, il monte sur le trône, et hérite d’un empire en pleine expansion. Comme ses prédécesseurs, c’est un rude guerrier, qui conduit de nombreuses campagnes. Au cours de son règne, il conquiert Belgrade, Rhodes, Bude, Bagdad et l’Irak, Bassra qui donne accès au Golfe Persique, les terres du Kurdistan et de l’Arménie orientale . Il affermit son hégémonie en Mer Noire.

En Méditerranée, il fonde sa suprématie sur une solide flotte de galères et le savoir-faire de corsaires islamisés, tels Hayreddîn, dit Barberousse, et Turgut Re’is, dit Dragut.

La volonté de domination, servie par les conquêtes militaires, aboutit à la constitution d’un vaste territoire qui présente une grande diversité de peuples, de langues et de cultures.

La cohésion de l’empire réside dans sa vigoureuse organisation et le choix des hommes qui vont le servir. Süleyman agit en fin politique dès son intronisation. Il conserve ceux qui ont fait leurs preuves. Ses vizirs affichent des longévités peu courantes. Il veille à ce que les hommes en poste gouvernent avec probité, et respectent les us et coutumes des peuples sous sa protection. Ainsi, il envoie son favori, Ibrahim Pacha, réprimer la corruption qui règne en Egypte.

Comme la mise en œuvre du kanun. Il s’agit des décrets émanant du sultan qui s’appliquent à l’ensemble de l’empire dans de nombreux domaines. Les sultans ont toujours été source de droit. Mais Süleyman généralise la pratique, et créé un code pénal. En théorie, le kanun doit être conforme à la charia. En pratique, il prévaut. Ainsi, le mariage est défini par la charia comme un contrat privé conclu devant témoins. Mais un décret du sultan impose en sus qu’il soit enregistré auprès des autorités pour être valable.

De là, le qualificatif de « Législateur ».

Dans ces circonstances, l’étendue de l’empire devient un atout. Les impôts, les tributs, les denrées, les savoirs d’Europe et d’Asie affluent et permettent de développer les techniques, les sciences, les arts et les lettres.

Dans ce monde de prospérité et de raffinement, il existe un statut qui recouvre de nombreuses réalités. Il s’agit de celui d’esclave.

La condition effroyable des esclaves exploités dans l’arsenal de Kassim Pacha – ils seraient 30.000 – diffère radicalement de celle des esclaves qui sont formés pour occuper des postes dans l’administration de l’empire. Et ce, parfois au plus haut niveau, tel le kizlar aghassi, le chef des eunuques d’origine africaine en charge de la garde très stricte du harem.

La grande majorité des mères de sultan sont des esclaves. Ibrahim Pacha, l’ami de jeunesse de Süleyman est un esclave d’origine grecque. Ses talents sont remarqués par sa première propriétaire, qui l’instruit. En plus du grec, il maîtrise l’italien, le turc, le persan, est un excellent musicien. Sa participation au pouvoir en tant que vizir marque la période la plus brillante du règne.

Le marché des esclaves s’organise comme tous les autres. Il s’y trouve des grossistes et des détaillants. Les premiers sont en charge d’acheminer par voie de terre ou de mer les esclaves vers les centres urbains, principaux clients pour ce type de « denrée. » Les seconds assurent la sélection et la « finition des produits » en fonction de leurs aptitudes et de leurs singularités. Ceux qui sont jugés comme « ordinaires » sont exposés au marché. Toutefois, l’examen approfondi des femmes se fait à l’abri des regards, dans une pièce réservée.

Pour ceux qui présentent des aptitudes plus raffinées, ils font l’objet de soins attentifs, sont instruits et, bien que cela soit prohibé dans certaines villes, parfois vendus au domicile du marchand à des clients privilégiés.

Quant au sérail, son approvisionnement se fait par un circuit réservé.

Cela démontre que celles qui accèdent aux harems les plus prestigieux font l’objet d’une sélection minutieuse par plusieurs acteurs.

Beaucoup d’éléments sont pris en compte. La beauté physique et la jeunesse, en premier lieu.

Mais également les capacités d’apprentissage. Hürrem connaît la langue savante des poètes, les figures littéraires empruntées à l’arabe et au perse, la calligraphie, la musique, peut-être la danse, l’art d’offrir à table les meilleurs morceaux des mets les plus délicats, la broderie, les règles de l’islam auquel elle est convertie, et les délices de la couche.

Aux atouts physiques et aux capacités intellectuelles, s’ajoute la force mentale. Les malheureux réduits en esclavage sont déplacés, violentés, parfois mal nourris jusqu’à leur arrivée chez les détaillants. Beaucoup ne survivent pas. D’autres tombent dans la prostration. Celles qui affrontent ces épreuves et mettent toutes leurs ressources en œuvre pour améliorer leur sort, celles-là sont remarquées.

Ce sont donc de redoutables personnalités qui entrent dans les harems des plus fortunés.

D’ailleurs, Hürrem signifie « la Joyeuse ». Ce qui témoigne de l’état d’esprit de celle que les occidentaux appellent Roxelane, en raison de ses cheveux roux.

Après avoir soigné en détail son éducation, Hafsa Sultane l’offre à son fils en 1520, pour son avènement.

Petite, très gracieuse mais non pas belle, il semble qu’elle emporte le coeur du sultan, qui lui consacre ces vers :

Hürrem, sans aucun doute, possède une vitalité enjouée qui séduit Süleyman aux prises avec les angoisses de l’exercice du pouvoir. Dès 1521, elle lui donne un fils.

Süleyman est déjà père de quatre enfants issus de deux concubines. En 1521, seul Mustafa, fils de Mahidevran a survécu à la peste. La lutte entre les deux mères d’héritiers présomptifs s’engage.

A suivre . . .

*Muhibbi est le nom de plume de Süleyman. Il signifie « l’amant ».