Je sors de la salle de spectacle, assez satisfaite. ‘Tragédie’ est une chorégraphie d’Olivier Dubois, créée en 2012. Les danseurs y sont à poil du début à la fin, ce qui, très vite, créé un sentiment de masse incarnée indistincte.
Quand ils viennent saluer, ils sont habillés. Immédiatement, ils redeviennent des personnes.
C’est dire si l’habit, sans faire le moine, étaye la danse. Or, depuis quelque temps, la mode sévit en danse orientale, hors la danse tribale où la créativité est respectée. Sur scène, dans les soirées, les danseuses se succèdent, mais seules les couleurs des costumes changent. Et parfois, légèrement, l’ampleur des jupes, ou une bande de tissu qui s’ajoute et traverse le ventre pour contourner le nombril.
Je comprends bien que c’est déjà suffisamment stressant de présenter son travail au public, sans qu’en plus se rajoute la question de savoir si le costume plaira ou pas. C’est plus rassurant de se fondre dans l’air du temps.
Mais cette démarche légitime porte préjudice à la danseuse et à son interprétation. Car le costume embellit, renforce et fait partie intégrante de la danse.
Le costume embellit.
Pas besoin de faire un dessin. Certaines coupes me vont mieux que d’autres. Si je m’obstine à suivre la mode et à porter des costumes qui habillent du 36 au 42, je ne suis pas à mon avantage. Je l’ai déjà écrit : pour moi, rien ne vaut le sur mesure. Je ne regrette pas le temps que je passe sur mes costumes, à les broder ou à les re-broder, dix ans après 😉 . C’est une façon de me les approprier, après qu’ils aient été cousus pour moi dans des tissus et avec des coupes qui me conviennent. Je ne désigne pas mes costumes par leur couleur. Je les nomme par l’esprit qui a présidé à leur confection. Paon en référence au plumage de cet animal. In love Again à cause d’une publicité où le mannequin est seulement habillé d’un collier mélangeant des perles multicolores faites dans des matériaux variés. Dentelles réalisé avec des dentelles de couleurs vives, rebrodées de perles et de paillettes.
Le costume renforce.
A mon avis, il ne suffit pas qu’il soit cohérent avec le style de danse présenté. Il faut aussi qu’il vienne s’ajouter à la danse, l’augmenter. Hammam, qui se porte trempé à même le corps, créé une ambiance différente de Dentelles. Les deux découvrent le ventre et sont réalisés dans des tissus nobles. Mais Hammam est le costume de l’intime, tandis que Dentelles est celui de la légèreté. Hammam s’accorde avec des musiques jouées par deux instruments tout au plus. Dentelles est idéal pour des routines de Mohamed Abdel Wahab durant les soirées estivales, dans les villas.
Le costume fait partie intégrante de la danse.
Water, le dernier né de l’Atelier de la Colombe, est une longue robe à manches, réalisée dans un jersey mordoré, à la fois épais et nerveux. Il est indispensable à l’improvisation pour laquelle il a été créé. Il me permet de danser comme si j’étais sous l’eau, offrant une légère résistance à mes mouvements puisqu’il m’enveloppe entièrement tout en dévoilant le moindre frisson. Sans lui, mon interprétation serait tout à fait différente. Je me sentirais moins intangible et un sentiment de fragilité humaine dominerait, plutôt que celui d’un perpétuel ondoiement appartenant aux éléments.