La danse des 7 voiles est un des fantasmes attachés à la danse orientale. Elle est parfois reliée à la danse exécutée par Salomé pour Hérodote Antipas afin d’obtenir la tête de Saint Jean-Baptiste. Il s’agit en fait d’une modification judéo-chrétienne d’un mythe sumérien bien plus ancien, dont la protagoniste est la déesse Inanna, Ishtar en Akkadien.
L’action se situe en Mésopotamie, région qui s’étend entre les cours du Tigre et de l’Euphrate, jusqu’au golfe Persique. Actuellement, ce territoire de plaines et de collines se trouve en Iraq et au nord-est de la Syrie. Les hommes le peuplent depuis 12.000 ans avant notre ère, et au VIIIème millénaire avant JC, le mode de vie agricole y fait son apparition. L’emplacement d’un temple datant du Vème millénaire avant JC témoigne d’une vie religieuse.
Au nord, se trouvent les sémites, ou akkadiens, qui peuplent les cités-états de Babylone, Sippar, Kish, Opis, Akshak, Kouta et Akkad. Au sud, les non-sémites dits sumériens, avec Uruk, Nippur, Larsa, Lagash, Eridu et Ur. Les hégémonies d’une ville sur l’autre sont éphémères, jusqu’à ce que toutes soient réunies sous la domination de la cité-état d’Akkad où règne Sargon 1er, vers 2300 avant JC. Puis, à partir de 1785 avant JC, Hammurabi fonde l’Empire babylonien.
Akkadiens et sumériens admettent l’existence d’un grand nombre de dieux et de déesses. Chaque ville a le sien. Inanna/Ishtar est célébrée dans de nombreux temples, et son culte domine celui des autres déesses mésopotamiennes. Elle est la déesse tutélaire de la ville d’Uruk.
Qui est-elle ?
Tantôt fille d’Anou, dieu suprême qui règne dans le ciel, tantôt fille de Sîn, divinité de la lune qui mesure le temps, sœur d’Ereshkigal, déesse des enfers, et de Shamash, dieu de la lumière, elle est identifiée à la planète Venus et associée au lion.
Inanna/Ishtar symbolise une force complexe. Certaines sources la disent mâle le matin, et femelle le soir. Elle est liée à la fertilité de la terre et des animaux, en tant que principe à l’origine de l’accouplement. Elle est la déesse du désir et de la sexualité libérés de toute subordination à l’ordre humain où règnent les conventions établies par les hommes. Elle ne célèbre pas l’épouse et la mère, mais toutes les manifestations de l’amour charnel, y compris quand celui-ci conduit à renverser l’ordre habituel des genres et des sexes.
Elle est une déesse du changement, du cycle, du franchissement, de l’opposition et de l’union des contraires. En ce sens, elle est la déesse de la guerre qui fait de certains des bourreaux, d’autres des héros, et qui transforme à jamais ceux qui la font ou la subissent.
Elle ne préside pas à la naissance, mais elle accompagne les êtres dans toutes les étapes de leurs existences. Son amour et sa bienveillance font et défont les rois et les vainqueurs des batailles.
Les civilisations mésopotamiennes sont patrilinéaires et patriarcales. Elles opposent les hommes et les femmes. Le Féminin est perçu comme l’expression de forces que les hommes veulent dominer sans jamais y parvenir. Le culte rendu à la déesse est une façon de composer avec ces forces, tout en les excluant de la vie réelle et sociale. Plus tard, les monothéismes nieront à ces forces le seul droit d’exister, et ne toléreront qu’un dieu mâle.
Où vit-elle ?
Les dieux mésopotamiens vivent comme les êtres humains. Inanna/Ishtar possède une maison dans la ville, elle gère, par l’intermédiaire d’intendants, ses terres et sa fortune, elle mange et elle éprouve les mêmes passions que les hommes. Mais elle est immortelle et elle est bienveillante, même quand elle soumet l’humanité à de cruels châtiments 😉
Plusieurs prêtres et prêtresses la servent quotidiennement. Les enfants de la haute noblesse ne dédaignent pas de s’engager au service de la déesse. Certains des desservants pratiquent des rituels érotiques, mais l’existence de « prostituées sacrées » n’est pas prouvée. Des sacrifices d’animaux se font régulièrement à l’extérieur du temple. Seuls le prince et les membres du clergé peuvent pénétrer dans le sanctuaire et être mis en présence de la divinité.
Le temple est la maison de la déesse. Mais c’est aussi un centre d’administration temporelle. Les actes de la vie courante donnent souvent lieu à des contrats qui sont authentifiés par le personnel du temple, et notamment par les scribes qui constituent une caste privilégiée et respectée. Le temple offre aussi des services financiers, comme le prêt d’argent ou d’orge, souvent à un taux en dessous de l’intérêt légal.
Que fait-elle ?
Le mythe le plus connu où apparaît Inanna/Ishtar est celui de sa descente aux enfers. C’est celui qui est l’origine de la danse des 7 voiles.
Déesse des conflits et des inversions, elle décide un jour d’aller taquiner sa sœur Ereshkigal déesse des enfers, et de la détrôner pour prendre sa place. Mais sa venue éveille la méfiance d’Ereshkigal qui lui demande de se défaire d’un vêtement et d’un bijou à chacune des 7 portes menant au monde inférieur. Ainsi, Inanna/Ishtar apparaît nue et fragile devant sa sœur qui la fait mettre à mort par les démons. Les dieux intercèdent à temps, et obtiennent d’Ereshkigal qu’elle laisse partir sa sœur à la condition qu’elle lui envoie un autre dieu pour prendre sa place. Aspergée des eaux de la vie, Inanna/Ishtar revient à la surface de la terre et choisi une de ses nombreuses conquêtes pour la remplacer au royaume d’Ereshkigal. Il s’agit de Dumuzi, Tammuz pour les akkadiens, pasteur et héros mythique devenu dieu de fertilité. La sœur du malheureux obtient qu’Ereshkigal le laisse demeurer une moitié de l’année à la surface du monde, tandis qu’il passe l’autre moitié aux enfers. Quand Dumuzi est à la surface de la terre, la végétation renaît. « Quand le moissonneur a lancé sa faux et réuni les épis en gerbe, il [Dumuzi] meurt et descend aux enfers ; alors les femmes répètent la lamentation annuelle fixée par Ishtar :
Jusques à quand le germe sera-t-il retenu captif ?
Jusques à quand la verdure sera-t-elle enchaînée ?
et la déesse se met en route vers « le pays d’où on ne revient pas » pour aller chercher son amant et le ramener sur la terre. »*
Voilà l’origine de la danse des 7 voiles. J’espère que ce saut dans le temps vous aura fait rêver. 🙂
*L.Delaporte, « La Mésopotamie, les civilisations babylonienne et assyrienne »